Maurice Garin, le petit ramoneur (© Agence Meurisse/BNF) et Hippolyte Aucouturier, dit le Terrible (© PD-1923). |
Avez-vous
lu Le premier Tour de France de
Jean-Paul Vespini qui vient de paraître ? Oui ? Sinon,
dépêchez-vous de l’acquérir. C’est une belle histoire, bien écrite,
pittoresque, documentée, le récit haletant, une formidable aventure qui
commence en 1903. Cette année-là, une soixantaine de pionniers s’élancent sur
les routes de France pour courir ce qui va devenir l’épreuve la plus éclatante
et la plus populaire du cyclisme. Six étapes de quatre cents kilomètres
chacune. Les concurrents de ce premier Tour de France, ouvriers, bûcherons,
menuisiers, forgerons, vont se dévaster dans une guerre farouche pour gagner
l’épreuve. Des hommes de fer montés sur des vélos à roue fixe et... sans freins.
Ils courent même la nuit sans lanterne des étapes de seize heures d’affilée. Le
courage, la fureur, la poussière, la chaleur torride et une soif à sécher les
poumons. Pas de dope dans le peloton mais une bouteille de bordeaux dans la
musette. Du champagne pour certains. Au ravitaillement, un ouragan s’abat sur
la table aux victuailles : saucisses, pâtés, oranges, disparaissent dans
les poches des maillots. Les plus fatigués boivent au goulot de n’importe quel
flacon.
Le «petit ramoneur» et le «terrible»
Pour
ces guerriers en selle, pressés de souffrir, seule la victoire compte. En tête
de cette horde qui se rue sur les routes, des champions. Maurice Garin, «le petit ramoneur», toujours en veste blanche, Aucouturier, surnommé le «terrible», le Belge Samson, Augereau, l’Allemand Fischer. Ils grimpent,
bloquent leur machine dans les descentes, ils encaissent la pluie glacée, des
chutes dans les ravins et remontent sur le premier vélo qu’on leur tend. Et ils
ont des moustaches cirées, ces coureurs. Et puis, il y a la presse qui en fait
des vedettes, relate leurs exploits. L’Auto
et son rival, Le Monde sportif, Le
Routier, La Revue des sports et du plein air qui envoie à chaque abonné
capable d’en gagner dix autres un revolver de poche Bull-Dog. Il y a les
journalistes, Desgrange, le Patron du Tour, et Jo Lefèvre, Alibert, Baugé. La
presse nationale amplifie leurs proses à travers le monde jusqu’à Shanghai et
Pékin. Ce sont leurs articles, en accompagnant les coureurs, qui vont donner
aux héros de ce premier tour la dimension qui va remuer les foules.
Henri Desgrange, (1865-1940), rédacteur en chef de L'Auto, à son bureau en 1914. DP : Fonds BNF. |
Ovationné comme un chef d'Etat
Au
terme de cette hallucinante chevauchée de 2.500 kilomètres, Paris accueille les
géants comme des princes. Maurice Garin est vainqueur. Après une réception à
l’hôtel de ville, le roi du Tour monte dans un landau couvert de fleurs,
escorté par plus de 2.000 cyclistes fleuris. Il accomplit un tour de ville salué
et ovationné comme un chef d’Etat.
Le
livre de Jean-Paul Vesperini raconte avec talent les débuts de la formidable
épopée du Tour qui, cent ans après, continue d’emballer les Français. Du
panache, du dépassement et un spectacle magnifique qui perdure.