07 octobre 2013

Lampedusa : derrière les morts


Un navire transportant 450 à 500 migrants, dont une majorité de Somaliens et d'Erythréens, a fait naufrage au large de Lampedusa, en Italie, en fin de semaine dernière. Le bateau avait pris feu, à 500 m des côtes. La plupart de ces migrants ne savaient pas nager et sont morts noyés. Parmi les victimes, des femmes et des enfants en bas-âge. Un autre navire avait débarqué la veille plus de 400 migrants, en provenance de Syrie. Le trafic humain est devenu la troisième source de revenu la plus importante pour des organisations criminelles à travers le monde, après la drogue et les armes, affirmait un rapport de l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC), publié début 2013. Près de 80 pour cent des personnes trafiquées, essentiellement des femmes, sont sexuellement exploitées.


Trois cents morts. Devant ce drame, le pape François a dit : « C'est une journée de deuil et de pleurs.» A Lampedusa, où les plongeurs ont arrêté les recherches après avoir arraché à la mer plus de 150 cadavres, les femmes, une veilleuse dans le creux de la main s'agglutinent aux portes des églises pour aller y prier à genoux.

Le port est secoué d'horreur et de chagrin. Les télévisions diffusent des commentaires sans images. Les corps des victimes ont été discrètement évacués dans des camions frigorifiques. La catastrophe bouleverse le grand public. Mais qui cherche à savoir et à dénoncer les trafiquants, ceux qui exploitent les filles en leur faisant crédit pour payer le voyage et la régularisation en Europe et, pour finir, les acculer à la prostitution pour payer leur dette ? 40.000 dollars. Trois ans ou cinq ans d'abattage.

Les hommes qui embarquent avec leurs familles et qui ont tout vendu pour monter dans ces pinasses sans bouées et sans canots de sauvetage se plient aussi aux conditions barbares de ce nouvel esclavage. Ils espèrent acheter avec tout ce qu'ils possédaient une vie nouvelle. Ils achètent leur mort.
Pierre Darcourt pour 24heuresinfo