08 février 2013

MALI : les soldats français et tchadiens à Aguelhok


Près de 8000 soldats africains et français au Mali. © EMA

Depuis jeudi soir, 7 février, des soldats français et tchadiens sont arrivés à Aguelhok, à 160 km au nord de Kidal, dans l'extrême nord-est du Mali, tout près de la frontière algérienne. Cette région, située à 200 km au nord de Kidal, serait le dernier bastion des islamistes : elle est la cible depuis plusieurs jours "d'intenses frappes aériennes françaises visant des dépôts logistiques et des centres d'entraînement des groupes islamistes", a précisé le porte-parole de l'état-major des armées françaises, le colonel Thierry Burkhard.
Aguelhok et Tessalit, dans le massif Adrar des Ifoghas, abriteraient des chefs islamistes. Et notamment l'Algérien Abou Zeïd, l'un des émirs les plus radicaux d'Al-Qaida au Maghreb islamique (AQMI) et Iyad Ag Ghaly, chef d'Ansar Dine ("Défenseurs de l'islam"), un ex-rebelle touareg malien, originaire de Kidal.
Au sol, le dispositif français s’étend désormais de Bamako à Kidal grâce à des éléments qui, en coordination avec les FAM et les forces africaines de la MISMA ou des tchadiens contrôlent les principales villes du pays. 
Près de 4000 soldats français sont présents sur le sol malien. A leurs côtés, 4000 soldats africains sont également présents au Mali, dont 2200 soldats de la MISMA appartenant au Togo (640), au Burkina Faso (500), au Nigéria (240), au Niger (530), au Bénin (150) et au Sénégal (50). Le plus fort contingent africain est celui du Tchad avec 2000 soldats rompus à la guerre sahélienne.

«Le terrorisme a été repoussé, il a été chassé mais il n'a pas encore été vaincu», a déclaré le chef de l'État français, François Hollande, lors d'un discours à Bamako, à l'occasion de sa visite au Mali, samedi dernier.

C'est dans le massif des Ifoghas que seraient détenus les sept otages français au Sahel. Vicki Huddleston, ancienne ambassadrice américaine au Mali, a affirmé que la France aurait payé une rançon d'environ 17 millions de dollars pour la libération de quatre otages français enlevés au Niger en 2010 : "Il y a deux ans, AQMI a pris des Français en otages dans une mine d'uranium au nord du Niger, et pour faire libérer ces otages la France a payé une rançon d'environ 17 millions de dollars. Les rançons, comme toutes les rançons, ont été payées indirectement. Elles ont terminé entre les mains du gouvernement malien et ensuite elles sont retournées, du moins une partie, aux salafistes."
Le général français Jean-Paul Paloméros, Commandant Suprême Allié Transformation, a pris ses fonctions le 28 septembre 2012 à Norfolk, aux Etats-Unis. Voici le regard qu'il porte sur l’engagement de la France au Mali.
"C’est une grande fierté pour un commandeur de l’Otan de voir son pays engagé dans la lutte contre le terrorisme et capable de projeter des forces cohérentes. Je crois que c’est un bel exemple de compétence, de travail interarmées et de planification. C’est aussi la confirmation de besoins anciens, je pense notamment aux capacités de projection et de ravitaillement en vol, mais aussi aux drones.
Le succès que l’on voit se dessiner ne m’étonne absolument pas. Je sais que les hommes et femmes que j’ai connus en tant que chef d’état-major de l’Armée de l’air sont capables d’exploits au quotidien."

07 février 2013

Wanted : Mokhtar Belmokhtar



La punition écrasante du borgne

De hauts responsables militaires et des services de renseignement américains envisagent d'inscrire sur une liste secrète des personnes à "tuer" le nom de l'Algérien Mokhtar Belmokhtar, qui a revendiqué l'attaque contre le site gazier d'In Amenas, selon le Wall Street Journal. Ajouter son nom à cette liste impliquerait une expansion militaire importante des États-Unis dans le nord-ouest de l'Afrique, à travers une extension des frappes de drones et des opérations de contre-terrorisme.

A Tombouctou, au temps du triomphe des islamistes et de la Charia, un émir redouté et secret contrôlait un camp d'entraînement pour jeunes recrues, proche de la ville. Taille moyenne, sec, barbu, les cheveux bouclés, la tête enveloppée dans un chèche noir. Un regard sombre. L'œil gauche perdu dans une embuscade en Afghanistan semblait immobile avec la joue labourée par une vilaine cicatrice laissée par l'éclat d'obus qui l'avait mutilée.

Mokhtar Belmokhtar. L'homme est froid, sans état d'âme.  Deux surnoms : "Nhenn-Ouara", le borgne et Sultann Malboro, du nom des cigarettes pour lesquelles il s'était imposé comme contrebandier unique dans le nord du Mali et jusqu'à Al Troun, dans le sud libyen. Il détenait aussi le monopole du trafic de drogues dures acheminées par cargos d'Amérique latine, puis à travers la Guinée Bissau, par rames de 4 x 4 et d'inoffensives caravanes de chameaux jusqu'à ses repaires dans le nord du Mali. Parfois même, des chargements de coke pure de Colombie étaient transportés par de vieux bimoteurs sur l'aérodrome de Tessalit, proche de la frontière algérienne.

Autre source de gros profits, le nouveau trafic d'esclaves, les prises d'otages qui se chiffrent par dizaines de millions de dollars.

A l'annonce de l'intervention française au Mali, et la déclaration de Laurent Fabius, mentionnant l'autorisation de survol de son territoire accordée aux Rafale des forces armées françaises par l'Algérie, Mokhtar Benmokhtar disparaissait soudain de Tombouctou. Nhenn-Ouara (en arabe, l'œil qui regarde derrière) est remonté vers le nord sur Kidal et son sanctuaire installé dans le massif inexpugnable de l'Adrar des Ifoghas. Rien ne filtre de ses interventions. Mais dans le plus grand secret, il prépare "un grand coup international".

On a écrit qu'il était devenu "ivre de rage" en apprenant les facilités de survol concédées aux avions français. Faux. Maître de ses nerfs, endurci par des années de combat et de désert, il réfléchit. En fait, il va saisir cette opportunité pour amplifier l'impact médiatique provoqué par l'acte de guerre qu'il projette.

Le mercredi 16 janvier à l'aube, un commando de 40 hommes entassés sur des 4 x 4 et lourdement armés attaquent et occupent en moins d'un quart d'heure l'énorme complexe gazier d'In Amenas, à 1.500 km au sud d'Alger. Sur le site, 800 personnes sont au travail, parmi lesquelles plus de 150 étrangers, et constituent l'espérance d'une formidable razzia (plus d'un demi-milliard de dollars de rançon). Les chefs du commando exultent. Ils ont tout prévu : la mise en alerte de l'opinion internationale par une agence de presse mauritanienne qui annonce l'investissement des champs de Tiguentourine par un groupe d'assaut islamiste venu de Libye. Et la télévision qatarie Al Jazeera qui relaye les propos de Joulaybib, le bras droit d'un chef de l'Aqmi. Deux heures plus tard, le chef du commando, Al Barraa, prend la parole sur Al Jazeera sans que personne ne s'interroge sur ces curieuses accointances.

La suite est connue. La réaction violente d'Alger en état de légitime défense. L'extermination du commando. La logique opérationnelle implacable et définitive. Et ce tranchant coup d'arrêt qui court désormais sur l'infinie des dunes et des djebels qui déchirent le ciel : "C'est fini. La caisse est fermée. On ne paie plus de rançon."

Pour Mokhtar Belmokhtar, l'aventure se solde par une terrible punition. Ironie du sort, le survol de l'Algérie par les avions français, prétexte de son coup de folie, n'a pas eu lieu. Les appareils français sont passés par l'Espagne et le sud marocain.
P.Dt. pour 24heuresinfo

04 février 2013

Le Roman de la promotion Voltaire

Vient de paraître aux Editions Jacob-Duvernet

Le Roman de la promotion Voltaire n'est pas un roman. C'est à la fois une enquête remarquablement menée et une chronique écrite dans un style léger, avec humour, qui traite de la promotion Voltaire de la prestigieuse Ecole nationale d'administration (ENA). La petite histoire d'une génération d'adolescents de mai 68 qui seront diplômés à l'approche de la victoire socialiste de 1981.
L'auteur, Martin Leprince, est un journaliste de qualité, au style vif et léger qui donne l'impression de parler de ces jeunes gens sévèrement sélectionnés pour l'élite — mais dépourvus de "l'esprit bohémien" —, de façon familière sans oublier de rapporter quelques mots d'esprits savoureux et de tracer en quelques mots un portrait criant de vérité. Une réponse à un jury qui aurait demandé à l'un d'entre eux :"Quelle est la profondeur du Danube à Vienne?" a été "Sous quel pont ?"...
De ce tourbillon d'élus, se détachent une quinzaine de noms dont les plus marquants sont Hollande, Castries, Donadieu de Vabres, Jouyet, Royal, Sapin et Villepin... Un Président de la République, un Premier ministre, des ministres, ou des personnages à la tête de grands corps de l'Etat et de puissantes entreprises.

Galouzeau de Villepin, grand, élancé, sportif, une chevelure intense, la voix timbrée, emphatique et flamboyant...

Ségolène Royal, un peu  babacool, porte des jupes longues et natte ses cheveux. Il lui arrive aussi de venir à l'ENA avec une salopette moulante qui met ses formes en valeur. François Hollande et Ségolène vivent en couple dans un petit appartement de la rue de Rennes. Ils ont acheté une Renault 5 mais François ne se déplace dans Paris que sur une belle moto rouge. Hollande courtois avec les filles de la promo, promène son air jovial et ses costumes étriqués d'instituteur. Michel Sapin, gros bûcheur, chauve comme une boule d'escalier dit, l'œil malicieux :"Je suis un jeune vieux."

Entrée en politique, Ségolène deviendra un jour la figure emblématique du PS et manquera de peu l'accession à la Présidence de la République. Son compagnon n'échouera pas.

En s'appuyant sur les témoignages d'une centaine de Voltariens, Martin Leprince retrace l'aventure collective et les destins croisés de ceux qui ont composé la plus célèbre promotion de l'ENA.

Un livre écrit à belles guides qui se laisse lire avec plaisir et curiosité.
Catherine Queyras pour 24heuresinfo

Le Roman de la promotion Voltaire, Martin Leprince. Editions Jacob-Duvernet, 397 p., 20,90 euros.
Un livre écrit dans un style vif et léger, mené à belles guides.